samedi 15 novembre 2014

Plonger en Belgique, dans des lacs et des carrières lugubres ? mais quelle horreur !

Passionné de plongée loisir depuis de nombreuses années (avec plus ou moins d'assiduité selon les périodes de vie), une question revient toujours sur le tapis lorsque je discute avec des "profanes" de la plongée : "mais qu'est-ce qu'il y a donc de passionnant à plonger en Belgique, dans des eaux vaseuses, noires et lugubres et où il n'y rien à voir ?" (non-verbal de l'interlocuteur : dubitatif voire proche de me prendre pour un fou). Cette question est parfois formulée avec davantage de dédain sous la forme "mais qu'est-ce que tu vas donc foutre au fond de trous sombres et froids où il n'y a rien?"

Ma réponse est systématiquement celle-ci : 

En fait, c'est tout le contraire. Il y a beaucoup de choses à découvrir au fond de nos lacs et carrières, une faune, une flore, un biotope. On y croise des carpes, des brochets, des esturgeons, des perches, des anguilles mais aussi des coques (moules, anodontes, etc.), des éponges, des petites méduses inoffensives, des écrevisses et des crevettes. On y croise de belles algues qui peuvent parfois monter sur plusieurs mètres et sont resplendissantes lorsqu'elles sont éclairées par la lumière du soleil dans les 10 premiers mètres de profondeur. En soulevant les cailloux, on découvre souvent de nombreux petits poissons qui ne sont pas perceptibles si on traverse le milieu trop rapidement. Chaque plongée est donc à la fois une exploration et un jeu (notamment grâce aux diverses épaves de bateau, chars, avions, tubes, etc. qui servent de récifs artificiels à la faune et flore).
 
source : http://club-subaquatique-evian.over-blog.com/article-faune-flore-d-eau-douce-france-68756279.html - ce dessin ne reprend qu'un petite partie de la faune que l'on peut découvrir sous l'eau douce.

S'il est vrai que ce sont des conditions de plongée qui demandent parfois plus de précautions ou d'"enthousiasme" que les plongées dans les mers calmes, chaudes et limpides, la visibilité est généralement suffisante pour découvrir un paysage subaquatique particulier, étonnant, voire parfois magique quand on s'y trouve au bon moment.

Il y a quelques années, il était plutôt difficile pour le commun des plongeurs de convaincre leurs interlocuteurs avec ce seul argument. Et puis, une opportunité s'est enfin présentée : la généralisation et la démocratisation des "action cameras" qui permettent de descendre une petite caméra sous l'eau sans devoir engager le prix d'une automobile (et de réaliser des montages soi-même avec des applications de plus en plus simples). 

Comme des illustrations valent mieux que tous les bons discours, je vous propose quelques courtes vidéos de mon cru que vous pouvez visionner. Les images ont été captées dans trois carrières différentes de notre belle région Wallonne : à La Gombe (Liège, 1 vidéo au printemps et l'autre en hiver), Lillé-Sprimont (Liège, en hiver), Vodelée (Namur, au printemps).

1. La Gombe (ancienne carrière de grès située à Esneux, profondeur max. = 30m)



2. Lillé (ancienne carrière de petit granit située à Sprimont, profondeur max. = 25-30m selon les années, périodes, saisons)


3. Vodelée (ancienne carrière de granit située à Doische, profondeur max. = 40m)


Et, quitte à être taxé de mauvaise foi, je conclurai par ce propos : même quand on n'y voit pas grand chose, la plongée dans ces plans d'eau reste l'occasion de s'amuser et de vivre une agréable sensation proche de l'apesanteur (que seul celui qui a testé la plongée peut connaître).

Référence - un livre à recommander pour découvrir la vie en eau douce :

Corolla, J.P., Kupfer, M., Rochefort, G., Sohier, S. (2012). La vie en eau douce : les carnets du plongeur. Editions Neptune Plongée.


mardi 4 novembre 2014

Evaluer les connaissances pour accompagner les changements organisationnels - Partie 2 : Comment ?

Dans mon article de la semaine passée, j'ai insisté sur l'intérêt d'évaluer les connaissances et sur ce que cela pouvait apporter à la gestion des changements organisationnels.

Après avoir traité le "pourquoi" (sans doute de façon non-exhaustive), je voudrais ici aborder les étapes de la mise en place de ce type de dispositif. Il va de soi que la communication est un pré-requis à chaque étape : communication avec le management, communication avec les employés et facilitation de la communication ascendante pour traiter les préoccupations dans le changement, communication avec les partenaires sociaux (on parle bien d'évaluation des connaissances, il faut donc bien baliser avec eux le cadre d'utilisation des évaluations individuelles).

Je vous propose une implémentation en 4 étapes

1. Cartographier les tâches

L'objectif de cette cartographie est d'extraire les connaissances associées aux activités, les contenus à maîtriser pour assurer la réalisation des tâches. 

A ce stade (mais il en sera de même pour les étapes suivantes), cette cartographie doit absolument respecter le principe du KISSSS (Keep it Simple, Sexy, Straight to the point and Sustainable). 


Il est  nécessaire de ne pas vous laisser influencer par les gestionnaires de compétences qui veulent y retrouver des liens avec des niveaux de compétences, par des auditeurs qui veulent découper les processus et insérer les éléments de contrôle, par des "hard HR" qui veulent voir les choses sous forme d'ETP, etc. Ceci doit rester le plus simple possible.

Bref, selon moi, ce que l'on doit retrouver dans cette cartographie c'est :
  • deux "photographies" de la situation : l'actuel et le futur après changement
  • le "qui fait quoi" (en terme d'"entité entière" : une personne, une fonction, un département, etc.)
  • éventuellement, si on se situe au niveau individuel, l'âge des personnes pour identifier au passage le risque de perte de connaissances lié à un futur départ naturel
En gros, un simple tableau suffit avec, p.ex. :
  • en première colonne les activités 
  • dans les suivantes les noms des entités (1 colonne par collaborateur si on descend jusqu'à ce niveau), des "1" ou des "x" en face des lignes d'activités qu'ils réalisent
  • un calcul d'effectif en dernière colonne pour chaque activité
Ensuite, il suffit de reproduire ce tableau en y décrivant le futur (le "qui devra faire quoi")

Dans l'approche nominative, Cela permettra au passage de savoir qui réalise les activités (sans pour autant être certain qu'ils le font optimalement, sinon l'évaluation ne servirait à rien) et qui, dans la cartographie du futur, pourrait être à même de réaliser d'autres tâches.

Donc, on peut remplacer les noms de personnes par des libellés de fonctions, de secteurs, départements, etc. Cela dépend de l'ampleur du changement à mettre en place. La "guideline" est toujours de garder à l'esprit que le tableau doit être lisible - KISSSS - et ne pas se transformer en "usine à gaz". Il servira réellement de carte de lecture pour la communication et les plans d'action.

2. Prioriser les connaissances critiques

Cela consiste à définir le socle de connaissances incontournables qui permettent de réaliser 100% des activités de façon optimale.

Il s'agit de pondérer les activités dans la cartographie en fonction de leur impact et leur importance. En dégageant ce qu'on appelle les connaissances critiques (celles qui doivent absolument être maîtrisée car leur impact est déterminant sur le "business"), cela permet de mieux déterminer le "scope" de l'évaluation : il ne sert à rien d'évaluer des connaissances dont l'importance n'est pas déterminante, focalisons-nous sur l'essentiel (le "straight to the point" de notre fameux KISSSS).

3. Construire l'évaluation

Le contenu de l'évaluation doit évidemment être alimenté par des partenaires provenant des services business.

Dans sa structuration, elle doit toucher deux niveaux :
  • les connaissances explicites (les savoirs théoriques - conscientes)
  • les connaissances implicites (les connaissances confrontées à la réalité du terrain - inconscientes)
Ce deuxième niveau est évidemment crucial car, p.ex., connaître le fonctionnement d'un avion de chasse ne fait pas de moi un pilote d'avion. L'évaluation requiert donc de mettre en place des analyses de cas, "mises en situation", etc. par rapport à des situations probables sur le terrain. On distingue ici la règle générale et l'action qui est le résultat de l'application de cette règle.

La grille de correction doit être construite au moment de la conception de l'évaluation et non pas a postériori, cela afin de se retrouver dans une situation où l'on se demande comment on va pouvoir traiter les résultats.

Cette grille doit être standardisée et éviter les biais de subjectivité, elle doit permettre de construire des scores globaux qui peuvent servir de point de comparaison. Elle doit permettre de calculer des scores individuels mais aussi des indices statistiques collectifs (moyennes, écarts-types, etc.) de façon à pouvoir évaluer la progression dans le temps à ces deux niveaux.
 
4. Suivi de l'évaluation

Evaluer pour évaluer n'a aucun intérêt, l'évaluation doit rimer avec mesures répétées, plan d'action, ajustements, flexibilité, etc.

Sur le plan collectif, le suivi dans le temps doit permettre de mesurer l'efficacité des formations et sur l'évolution des connaissances mais aussi de développer des actions correctives sur la méthode elle-même si elle s'avère trop fastidieuse ou à l'inverse, trop simple.

Sur le plan individuel, elle permet de dégager des plans de formations et des actions  pour accélérer l'intégration des connaissances. Elle servira aussi de base de discussion avec le collaborateur, de façon à trouver la voie qui lui convient pour faciliter son développement individuel.

En bref...

Le but de ces deux articles sur l'évaluation était surtout de sensibiliser à la démarche et de partager mes réflexions sur le sujet. Je serais ravi d'avoir vos commentaires et propositions en la matière car je ne prétends pas avoir la science infuse en la matière. Alors, allez-y, votre avis m'intéresse et je ne demande qu'à susciter du partage de pratiques !


 

jeudi 30 octobre 2014

Evaluer les connaissances pour accompagner les changements organisationnels - Partie 1 : Pourquoi ?

Les organisations évoluent aujourd'hui dans un contexte de changement permanent et rapide. Elles doivent faire face à des défis technologiques, économiques et socio-politiques. Outre les effets de ces changements sur les personnes et les entités de l'organisation, ces défis révèlent des risques en termes de perte de connaissances (savoir et savoir-faire) qui peuvent être contre-productifs pour des organisations qui doivent être de plus en plus efficientes.

Plus spécifiquement, les organisations du secteur (semi-)public doivent réussir la transition d'une culture administrative/procédurale vers une culture orientée service/client, afin de répondre  - et mieux, d'anticiper - aux problèmes des citoyens qui attendent un service irréprochable. Cela est d'autant plus vrai dans le secteur des soins de santé et des assurances, où les effets de la concurrence se font sentir et forcent les organisations concernées à modifier rapidement leurs modes de fonctionnement.

Le risque de perte de connaissances est accentué par l'automatisation croissante et le remplacement des flux d'informations "papier" par des flux électroniques, par des pyramides d'âges où l'expertise est concentrée chez les collaborateurs les plus âgés (cela est logique dans des organisations où l'expertise et l'ancienneté étaient les seuls facteurs d'évolution pour les collaborateurs au 20ème siècle).

Dans la gestion des changements organisationnels et des transitions dans les métiers, il est donc crucial de préserver le pilier des connaissances pour éviter de déstabiliser la structure organisationnelle au cœur même de ses bases : son "core business". 

Préserver les connaissances implique de connaître l'état de ces connaissances au sein de l'entreprise. Deux perspectives peuvent être adoptées lorsque l'on aborde la thématique de l'évaluation des connaissances : (1) l'évaluation des outils qui permettent la circulation et le partage des connaissances dans l'organisation au niveau collectif et (2) l'analyse de la maîtrise des contenus mêmes aux niveaux collectif et individuel. Le présent article s'inscrit dans cette seconde perspective.

La première chose à réaliser pour se lancer dans ce type de démarche est de conscientiser le management et de briser LE mythe sur la connaissance : tout n'est pas documentable (et encore moins documenté). La majeure partie de la connaissance de l'organisation se trouve, non pas dans des bases de données, des bibliothèques, des procédures et des guides mais bien dans le cerveau des éléments qui constituent l'organisation : les employés. Et la plupart du temps, cette connaissance est implicite voire inconsciente, ils l'utilisent sans devoir y réfléchir consciemment (un peu comme la conduite automobile ne nous demande pas de penser explicitement à chacun de nos gestes face aux situations diverses que nous rencontrons sur la route). Il ne faut donc pas adopter (en tout cas pas uniquement) une approche informatisée ou procédurale (lourde) où tout un chacun serait invité à documenter tout ce qu'il fait et comment il le fait. Il faut largement favoriser l'approche relationnelle par la mise en place d'espaces d'échanges de connaissances formels et informels.

la partie immergée de l'iceberg représente la connaissance implicite possédée par les employés alors que les supports de connaissance "physique" (i.e., explicite) ne représentent qu'une petite partie de la connaissance totale dans une organisation.

Le plus gros enjeu dans la transmission des connaissances est d'arriver à rendre explicite cette connaissance implicite et pour cela, il est d'abord nécessaire d'identifier et d'évaluer la qualité de ces connaissances (ce n'est pas parce qu'une connaissance est implicite qu'elle induit les meilleures pratiques).

Pourquoi évaluer les connaissances ?

Pour faire l'état des lieux, poser le diagnostic initial et donc...
  • évaluer le risque de perte de connaissances
  • évaluer la maîtrise globale des activités
  • construire un plan d'apprentissage & développement basé sur une analyse concrète et proposant les actions les plus appropriées à la situation (e-learning, formation, coaching, intervisions, cursus universitaires, lectures, etc.)
Pour disposer d'indicateurs sur l'évolution des connaissances, pour quantifier les effets des programmes de formations aux niveaux collectifs et individuels et identifier des actions correctives si nécessaire. Il va de soi que cela implique au minimum une mesure avant et après implémentation du plan d'action pour pouvoir qualifier l'évolution.

Pour identifier le potentiel d'experts en interne. Ceux-ci peuvent transmettre leur connaissances aux autres collaborateurs, en endossant différents rôles dans le processus selon les compétences et préférences de chacun : formateur, référent / "helpdesk", mentor, coach, chargé de rédiger et mettre à jour des supports pédagogiques, etc. Cela demande de renforcer, non seulement les connaissances, mais aussi les "soft skills" de ces experts au niveau de la communication et des aspects pédagogiques. A noter aussi : cela représenter un levier de motivation et de reconnaissance pour ces collaborateurs experts.

Enfin, pour cibler les lacunes de chaque collaborateur et de les former uniquement sur les connaissances problématiques, en évitant les coûts résultant d'un envoi massif en formation de collaborateurs qui sont déjà experts dans certaines matières. Cela colle à la logique "ne pas tirer sur une mouche avec un canon".